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Association des Aidants et Malades à Corps de Lewy
 
 
 
 
 
 
 

Interview de Cécile C, ancienne aidante MCL - Partie 1

Interview de Cécile, ancienne aidante, par le site aidonslesnotres

 

Vous avez accompagné votre mari atteint d’une maladie à corps de Lewy pendant 11 ans ? Pouvez-vous nous parler de votre expérience de cette maladie encore méconnue ?

 

Il a fallu plusieurs années avant que le diagnostic soit posé ! Mon mari n’avait jamais été malade. Il a commencé par un infarctus en 1998 et puis après sa santé s’est dégradée de plus en plus et moi je lui disais : « tu fais un Alzheimer » ! Puis, en 2004, ça a explosé ! Un jour je suis rentrée du travail, il était en transe, stressé, il pleurait, se plaignait de violentes douleurs à l’abdomen. Suite à des consultations de médecins, il a été hospitalisé pour un bilan. Là, le médecin lui a donné du tranxène 20 et 50. Alors là, ça a été la catastrophe ! Il ne reconnaissait plus les gens et il tenait des propos incohérents.

 

On lui a diagnostiqué un fécalome et puis on l’a envoyé consulter un neurologue. Il a subi des tas d’examens, IRM et plusieurs électromyogrammes. Ce sont des examens très douloureux. On lui envoyait de l’électricité dans les muscles. On lui a fait ces examens car il avait des douleurs diffuses dans les membres. Et puis le neurologue de l’hôpital a diagnostiqué une dépression. C’est le gros problème avec cette  maladie car par manque de connaissance, elle est mal diagnostiquée. Moi, je n’y croyais pas à la dépression. On était très heureux tous les deux. Il y avait beaucoup d’amour entre nous. A ce moment là, j’ai essayé de lui donner des plantes, je l’ai emmené faire de l’hypnose ericksonienne, de l’ostéopathie non manipulative. J’ai même payé des séances avec un psychiatre !

 

Après ça, il y a tous les effets pervers des antidépresseurs et des neuroleptiques qui étaient changés sans arrêt car les effets étaient dévastateurs. Son médecin généraliste, référent par obligation, n’a jamais accepté un autre diagnostic que la dépression !

 

Comment la maladie a t-elle été finalement diagnostiquée ?

 

Par la suite, il y a eu d’autres examens et j’ai été conseillé sur le choix d’un autre neurologue, le Dr Florence Lebert au Centre mémoire du CHRU à Lille.

 

Pour obtenir un rendez-vous avec elle, j’ai du me battre avec le généraliste pendant un mois et demi pour qu’il fasse un courrier. Il n’acceptait pas mon doute, persuadé que c’était une dépression.

 

Dans ce parcours, j’ai même été accusée plusieurs fois d’être responsable de sa dépression. On me disait que c’était un problème de couple et que ça venait de moi ! Ça, c’était très  difficile à vivre. J’ai encaissé les coups sans rien dire. Puis, quand nous sommes arrivés au Centre mémoire du CHRU à Lille, en quelques minutes, la neurologue a rayé la dépression et a diagnostiqué des AVC multiples et les IRM ont révélé de nombreuses artères profondes bouchées. Incrédulité !

 

Je me suis demandée pourquoi le premier neurologue ne l’avait pas décelé précédemment car pour le Dr Lebert, c’était évident !

 

Après il y a eu un suivi régulier avec cette neurologue. On avait quand même perdu beaucoup de temps car la dépression a été « soignée » pendant 3 ans et demi et les traitements ont aggravé son état. On a perdu beaucoup de temps. Toute cette première période a déjà été un combat épouvantable.

 

Puis, il y a eu un suivi régulier avec des tests pour les maladies neuro-dégénératives et notamment un DaTSCAN. Cet examen n’est pratiqué que sur recommandations d’un médecin spécialisé dans le suivi des patients ayant des mouvements anormaux et/ou atteint de démence. Le DaTSCAN aide à différencier une maladie à corps de Lewy d’une maladie d’Alzheimer.

 

Et là, aux vues des résultats des examens et du comportement de mon mari, elle a diagnostiqué une maladie à corps de Lewy. C’était en 2008.

 

Pouvez-vous nous dire quelle est la différence entre la maladie d’Alzheimer et la DCL ? Quels en sont les symptômes ?

 

Quand je regardais des émissions et que je lisais des articles sur la maladie d’Alzheimer, je ne retrouvais pas les symptômes qu’avait mon mari.

 

Il avait des secousses. Ça c’est typique de la maladie. Ça ressemble à la maladie de Parkinson. Il avait une excellente mémoire.

 

Il souffrait de tasikinésie, c’est à dire qu’il marchait droit devant lui et déambulait très fréquemment de façon désordonnée. Il se plaignait énormément de douleurs au ventre et aux pieds. « On aurait dit que son cerveau était comme un disque rayé ». C’est l’examen qui a révélé que le « shift » de son cerveau ne fonctionnait plus, c’est à dire qu’il gardait des choses en mémoire comme les douleurs qui revenaient le persécuter même si les douleurs n’étaient pas réelles. La neurologue Mme Lebert disait qu’on ne pouvait pas se fier aux plaintes des patients atteints de cette maladie.

 

Sa vigilance diminuait beaucoup. Il avait des moments de somnolence plusieurs fois par jour, il s’endormait tout le temps et il n’arrivait plus à retenir son attention. Par exemple, lire quelques lignes l’épuisait et ça de plus en plus avec le temps. La dégradation a été progressive.

 

Après il ne voulait plus quitter la maison. Cela le paniquait rien que de se trouver à la porte d’entrée comme si l’extérieur était menaçant. Heureusement, il avait une confiance totale en moi.

Puis, pour aider ses muscles et rééduquer la marche et les gestes, il a eu des séances de kiné à domicile et aussi une orthophoniste pour lui faire travailler l’activité cérébrale. C’était pour lui des séances de panique épouvantable et on a du arrêter.

 

Ça s’est dégradé de plus en plus avec des hallucinations et des délires. La neurologue a dit qu’il avait eu de la chance dans sa maladie car il ne faisait pas de cauchemars. Il souriait beaucoup et riait dans ses délires.

 

Il fallait que je sois très vigilante car il faisait des bêtises. Par exemple, il allumait toutes les lumières de la maison la nuit et allait à la boite aux lettres. Il était désorienté dans le temps et dans l’espace. Parfois, il ne me reconnaissait plus ni les gens autour de lui qu’il connaissait. Dans ses délires, il voyait toujours des gens autour de lui. Par exemple, il demandait qu’on fasse partir les gens qui étaient assis dans son fauteuil. Il voyait des chats et notre chien qui était mort.

 

Avec le temps il est devenu aphasique et apraxique. Il ne pouvait plus parler correctement et ne savait plus faire les gestes de la vie quotidienne. Après les hallucinations se sont transformées. Il les vivait tout seul. Il parlait tout le temps avec des gens qui n’étaient pas là. Dans sa tête il n’était jamais seul. Il revivait les années où il travaillait. Quelques jours avant de mourir, il a dit à l’infirmière et à moi qu’il était très fatigué et qu’il allait demander sa retraite ! Au début, il disait qu’il voulait « qu’on lui guérisse Lewis ». Dans cette maladie, ils ont des moments de lucidité contrairement à la maladie d’Alzheimer et ces moments de lucidité restent jusqu’au bout de la maladie.

 

Après il y a eu les chutes. C’était un gros syndrome parkinsonien. Il s’effondrait comme un château de cartes. La neurologue disait que cela pouvait se produire n’importe quand. Ce sont les muscles qui se relâchent sans prévenir. C’est un symptôme typique de cette maladie. Puis il a eu des raideurs et progressivement il s’est paralysé, y compris pour manger et boire, ce qui a entrainé des fausses routes.

 

Il est devenu agressif aussi par moment. Le soir il faisait des crises de paranoïa. Il n’y avait plus moyen de faire quoi que ce soit, ni de l’approcher, ni de le mettre au lit.

 

Quand l’agressivité est devenue plus importante, la neurologue l’a mis sous morphine avec mon accord en disant que cette agressivité pouvait être due à des douleurs neuropathiques et que l’agressivité dans ce genre de maladie pouvait révéler des douleurs inexprimables par le patient.

 

Ça a été très difficile pour moi car vous avez quelqu’un que vous ne reconnaissez plus et dans ces moments là, ils ont une force physique considérable. Il résistait et il me faisait peur. Parfois, il était menaçant. J’allais dormir en préparant des affaires pour me sauver au cas où.

 

Il se dédoublait. Par exemple, la nuit j’allais le voir et le matin il me disait que quelqu’un venait lui faire un bisou la nuit mais qu’il ne savait pas qui c’était.

La nuit aussi c’était problématique. Il avait des protections car il ne savait plus aller aux toilettes. Il ne savait même plus ce que ça voulait dire d’uriner. C’était étranger pour lui. Et quand on lui a mis des protections, il ne les acceptait pas et il les arrachait. En plus il avait une DMLA, dégénérescence maculaire à l’œil droit et il ne voyait plus bien.

 

Et en 2008, 10 ans après les premiers symptômes, il a eu un cancer de la prostate qui d’après la neurologue n’était pas opérable à cause de son cerveau. Le cancer a aggravé sa maladie.

On m’a dit finalement que c’était une « chance » pour lui, que ça avait permis d’écourter le processus de vie physique.

 

A la fin, les deux derniers mois ont été horribles. Totalement grabataire, il ne se levait plus, ne pouvait plus s’alimenter car il ne pouvait plus avaler. Sa gorge était paralysée. Il ne pouvait plus déglutir. Il a du faire un syndrome de glissement. Il avait juste une perfusion la nuit. Il était devenu squelettique. Il a fait des hémorragies urinaires. Et là je me suis sentie complètement abandonnée médicalement sauf par la neurologue avec qui je continuais à communiquer.

 
Dernière modification : 30/05/2023